Nous avons vu dans un précédent billet qu’un CEO ne doit jamais rester très loin de ses clients et favoriser leurs contacts pour mieux les comprendre et les fidéliser. Je vais maintenant m’intéresser de plus près au fonctionnement du service client.
Dans une précédente mission de conseil, j’avais participé à l’élaboration d’un « arbre de décision » à destination des conseillers clients, ou plutôt du prestataire qui allait se charger lui même de la formation… Cet arbre était un guide, censé regrouper l’ensemble des situations auxquelles pouvaient être confrontées les « agents ».
Au total, ce ne sont pas moins de 80 scénarios qui ont été comptabilisés. Chaque situation d’un client devait donc rentrer dans une case, et ensuite il revenait au conseiller de reconnaître le cas de figure, et d’y appliquer la politique de Service Client de l’entreprise… Une équipe qu’on pourrait qualifier d’audit interne, contrôlait ensuite, à l’aide d’outils de reporting, la bonne exécution de la politique du service client.
En fait, en y regardant de plus près, ce sont toutes les actions des conseillers qui étaient soumises à des règles strictes avec un système de bonus / malus : nombre de contacts traités, durée de l’appel, taux de résolution en une fois, bonne application de la politique du Service Client etc. Pour améliorer leur «productivité », ils étaient encouragés à utiliser des templates automatiques de réponses.
En mettant en place toutes ces règles et KPIs de coercition, nous envoyions le signal que nous ne faisions pas confiance aux conseillers clients, ils ne s’y trompaient pas et c’était d’ailleurs le cas !
Comment voulez-vous ensuite que ces mêmes conseillers apportent des solutions personnalisées, aient de l’empathie, créent un lien affectif avec le client alors que leur marge de manœuvre est minime et que leur action est sans cesse contrôlée ? Comment ne pas s’étonner d’arriver à des situations ubuesques, comme celle de Ryanair en 2013, dont un agent a refusé de rembourser le billet d’avion d’un client qui avait réservé pour sa mère, hélas décédée quelques jours plus tôt, sous prétexte que la politique de remboursement de la compagnie ne prévoyait pas ce cas de figure ?
Ces comportements ne relèvent pas du manque d’intelligence ou de bonne volonté des acteurs, ce n’est ni plus ni moins qu’un moyen de se protéger face à la multiplication des outils de contrôle qu’on leur a imposés. Puisqu’ils appliquent à la lettre les consignes, rien ne pourra leur être reproché.
François Dupuy, dans son ouvrage paru en janvier 2015 Lost In Management : Tome 2, la faillite de la pensée managériale, décrit très bien le désarroi dans lequel peuvent se trouver ces salariés :
Indicateurs de performance, systèmes de reporting débridés et procédures toujours plus contraignantes ont été interprétés par les salariés comme des marques de non-confiance, et il est bien difficile de s’engager pour une entreprise qui ne vous fait pas confiance.
Le service client a un coût, évidemment, mais puisque certains de vos clients ont des questions ou réclamations, n’est-ce pas là l’occasion de nouer un contact avec eux, voire de les transformer en ambassadeurs s’ils obtiennent une solution à leurs problèmes ?
C’est d’ailleurs une donnée qui se vérifie presque toujours, le taux de satisfaction d’un client qui a contacté un Service Client et dont le problème a été résolu en une fois (ce qu’on appelle le “First Call Resolution”) est supérieur à celui d’un client qui n’a fait aucune réclamation. Un Service Client peut donc aussi générer des revenus, notamment en agissant sur le taux de rétention et en favorisant un bouche-à-oreille positif.
Tony Hsieh, CEO Zappos, dans Delivering Happiness (2010), écrivait :
Nous voulons que nos conseillers clients révèlent leur vraie personnalité au téléphone pour créer des liens affectifs avec les clients.
Sans vouloir nécessairement reproduire le modèle de Zappos, entreprise réellement obsédée par la relation client depuis sa création en 1999, il y a quelques éléments à retenir dans l’organisation de son service client :
A une échelle plus petite, c’est ce que réalisait en France à ses débuts Capitaine Train (racheté depuis par Trainline) qui misait sur un Service Client ultra réactif, et personnalisé en refusant d’imposer des templates de réponse et trop de KPIs à leurs conseillers clients.
Au fond ce qui caractérise ces entreprises reconnues pour l’excellence de la relation client, c’est qu’elles font confiance à leurs salariés. Elles ont compris que les conseillers clients doivent avoir la liberté d’appliquer ou non certaines consignes pour s’adapter à la situation particulière du client. Vos employés sont intelligents et ils n’ont pas toujours besoin d’être contrôlés.
Vous souhaitez discuter de la mise en place de questionnaires de satisfaction qui servent les intérêts de vos collaborateurs ?
Louis