Le 18 février, Le Parisien a publié une enquête sur l'état du service client en France.
Le moins qu'on puisse dire c'est que si nos champions nationaux mettent leurs clients "au centre de leurs préoccupations", ils ne déploient pas les grands moyens !
Le temps d'attente moyen pour contacter le service client d'Amazon est de 19 secondes (22 au pic de la journée) lorsqu'il peut atteindre 16 minutes pour Air France.
En 2017 selon une dernière étude d'Accenture "44 % des consommateurs français ont changé de fournisseur en raison d’un service client insatisfaisant".
Comment expliquer cela ?
Selon Fabrice Marque, Directeur Exécutif chez Accenture "la France s’améliore, mais a encore un gros retard sur des pays où la culture du service est très forte, comme l’Inde ou la Chine."
En fait le service client n'a jamais été vraiment pris au sérieux par les grandes entreprises françaises.
Demandez à un CEO ou CFO combien lui coûte son Service Client, il saura vous le dire. Demandez-lui combien le Service Client lui rapporte, il aura la plus grande peine à vous répondre, s’il ne trouve pas la question saugrenue…
Le Service Client est l’un des premiers départements de l’entreprise à être externalisé, et lorsque l’on interroge les entreprises sur leurs motivations, la plupart invoquent des raisons de réduction de coûts. Il y a par ailleurs des bonnes raisons à vouloir externaliser un Service Client (besoin de flexibilité, capacité à répondre dans toutes les langues, faire appel à des professionnels), mais ce sont rarement celles mises en avant par les CEO pour justifier leur décision.
Le Service Client est vu comme un centre de coût, mais combien d’entreprises mesurent son retour sur investissement ?
Dans la très grande majorité, les entreprises ne mesurent pas le ROI de leur Service Client.
Le Service Client, le canard boiteux de l’entreprise
A la conférence annuelle de G-Force à Barcelone, Tom Eggemeier, Vice-Président Executif de Genesys a communiqué ces chiffres : le budget total consacré par les entreprises au Service Client ne représente que 2% du total des dépenses engagées en marketing et publicité.
Pourtant cela fait plusieurs années que des études soulignent l’importance du Service Client et des politiques de fidélisation pour générer plus de revenus :
- 86% des clients ont arrêté d’acheter un produit et service à cause d’un mauvais Service Client (Source : Harris Interactive, Customer Experience Impact Report)
- Un client mécontent à qui le Service Client apporte une solution est 30% plus fidèle qu’un client qui n’a jamais contacté le Service Client (Source : TARP, Strategic Customer Service, 2012)
- 87% des consommateurs se disent plus influencés par la recommandation d’un proche que par une publicité. Ce qui laisse à penser que les sociétés qui bénéficient d’un bouche-à-oreille positif ont moins besoin d’investir en marketing puisque leurs clients s’en chargent à leur place.
- Recruter un nouveau client coûte 5 fois plus cher que d’en fidéliser un (TARP, Strategic Customer Service, 2012)
Parlez le langage des Directeurs Financiers
Allez-voir votre CFO et montrez-lui ces chiffres, sortis tous droits de manuels de marketing et d’études de cabinets de consulting. Mais je parie que cela sera un coup d’épée dans l’eau.
Pourquoi ? Parce que ces chiffres ne sont pas très parlants et restent très théoriques.
Maintenant, allez-voir votre CFO et dites-lui « Si on n’améliore pas nos délais de livraison et que nous continuons à ne pas résoudre rapidement les réclamations des clients, nous allons perdre 50 000 euros par mois ». Là, il vous écoutera.
Si vous pouvez démontrer à votre CFO ce que coûte à l’entreprise l’absence d’une véritable politique de Service Client et de fidélisation mais surtout le chiffre d’affaires que vous allez pouvoir générer en plus grâce aux actions que vous préconisez, alors vous arriverez à défendre votre cause.
Comment alors réaliser la démonstration qu’un Service Client est source de revenus ?
CAS PRATIQUE
Disons que vous travaillez pour un site e-commerce qui réalise 10M€ annuel de CA avec 100 000 acheteurs unique par an.
1/ Prenez la Life Time Value de vos clients
Connaître la Life Time Value de ses clients est indispensable, elle représente la valeur générée par vos clients tout au long de leurs relations avec votre marque.
Si vous ne connaissez pas ce que rapportent vos clients, comment pouvez-vous décider de vos budgets d’acquisition et de fidélisation ?
L’idéal, c’est de segmenter vos clients en fonction de leurs profils CRM et ensuite de calculer pour chacun d’entre eux leur Life Time Value, exprimée ici en valeur monétaire.
Vous pouvez demander ces chiffres à votre département financier. S’ils vous disent que c’est 123€, prenez 100€ pour simplifier les calculs.
Si vous n’arrivez pas à obtenir l’information, faites un calcul très simple : divisez votre CA par an avec votre nombre de client par an et vous obtenez une approximation de la Life Time Value de vos clients. Ce calcul rudimentaire a pour mérite de montrer à votre CFO que vous prenez des hypothèses très pessimistes (la durée de vie d’un client est généralement supérieure à 1 an pour un site e-commerce en BtoC).
Si votre CFO lui même trouve que vos estimations sont trop conservatrices, alors cela contribuera à renforcer votre démonstration.
2/ Collectez quelques metrics liés aux problèmes rencontrés par les clients ou sinon prenez des hypothèses (là aussi très conservatrices)
- Estimation du nombre de clients qui ont eu un retard de livraison (20 000)
- % de clients qui ont eu un retard de livraison et qui ont contacté votre service client (40%)
- % de clients qui ont été très satisfaits par le traitement de leur requête par le Service Client (40%), moyennement satisfaits (30%), et mécontents (30%).
Pour chacune de ces catégories de clients, estimez-le % de clients définitivement perdus, autrement dit qui ne vont plus jamais racheter -> (Ceux qui ont contacté le Service Client > les clients très satisfaits : 10% ; les clients assez satisfaits : 30% ; les très insatisfaits : 60% ; Ceux qui n’ont pas contacté le Service Client : 40%).
3/ Entrez vos données avec ce modèle (Damage Risk Model de TARP)
Une simple feuille Excel suffit pour réaliser les calculs.
Si on se concentre sur l’impact financier, voici les résultats :
Les problèmes liés aux délais livraisons coûtent ainsi tous les ans 355 000€ à l’entreprise.
En jouant avec le modèle on se rend vite compte de 3 axes d’améliorations qui permettent de réaliser des gains financiers très importants :
1. « Faire bien du premier coup. »
En l’occurrence ici, réduire les délais de livraison, et peut-être dans un premier temps, si vous n’avez pas les moyens d’améliorer votre logistique, annoncer des délais de livraison plus pessimistes pour ne pas créer de déception chez les clients.
2. Encourager un maximum de clients mécontents à contacter le Service Client
En effet, un client mécontent qui ne fait pas de réclamations passe entre les mailles du filet de votre Service Client et donc a une probabilité forte de ne plus jamais racheter chez vous. Ici l’hypothèse retenue c’est que 40% de ces clients ne rachèteront jamais mais c’est souvent beaucoup plus élevé.
Pour encourager les clients à vous donner cette information, vous pouvez envoyer pro-activement des enquêtes de satisfaction à chaud et rendre vos formulaires de contacts bien visibles et accessibles sur tous les canaux.
3. Donner les moyens et des outils au Service Client pour répondre vite et bien aux clients insatisfaits
Les KPIs les plus importants à suivre pour améliorer la satisfaction des clients envers votre Service Client sont :
- Délai de réponse (doit être inférieur à 24h)
- Taux de résolution des réclamations en 1 fois.
Dans ce cas pratique, en considérant que :
- Vous passez de 50% à 70% des clients mécontents qui vous contactent
- Vous arrivez à passer d’un taux de satisfaction de 40 à 70% pour les clients qui contactent votre service client, avec 20% de clients moyennement satisfaits et 10% qui restent insatisfaits.
Vous ne perdez plus que 253K€ au lieu de 355K€, soit un gain potentiel de plus de 100K€
Vous remarquez que dans ce calcul, nous n’avons pas intégré les effets positifs induits sur le bouche-à-oreille qui sont certes plus difficilement mesurables. On estime généralement qu’un client insatisfait en parle à 10 personnes et qu’un client satisfait à 4 personnes.
Même si vous intégrez les coûts de traitement de ces contacts au Service Client, vous verrez que le ROI généré est largement positif.
Ce modèle conseillé par TARP est très utile pour faire une démonstration rapide de l’impact financier du Service Client. Pour maximiser le ROI généré par votre Service Client, l’idéal est bien sûr de réaliser régulièrement cette analyse avec un data scientist en collectant notamment les données clients liées à leurs comportements d’achat et leurs réponses aux enquêtes de satisfaction.