Ce billet de blog reprend les 5 articles publiés originellement dans l’Usine Digitale.
De quoi le parcours client est-il le nom ? Ce terme valise employé un peu partout est devenu stratégique dans le monde numérique où le consommateur passe du web au magasin, avec ou sans smartphone. C'est aussi devenu l'un des principaux casse-tête des directeurs marketing. Avec Florian Deveaux de Bonne Gueule, nous avons décidé de décortiquer pour vous ce fameux parcours client en 5 étapes.
Omnicanal, multicanal, cross-canal, Web-to-store etc : si vous vous intéressez aux nouvelles tendances du marketing, vous êtes sûrement déjà tombés sur l’un ou l’autre de ces concepts barbares, mis en avant par des experts de l’expérience client. Ces mots savants décrivent un phénomène qui n’est déjà plus très nouveau en 2017 et dont nous sommes devenus familiers dans notre vie quotidienne : la complexité du parcours d’achat des clients qui passent indifféremment d’une appli mobile à leur navigateur internet, d’un magasin physique au site web de l’enseigne afin d’acquérir un bien ou un service.
Dire que les entreprises doivent adopter des stratégies dites “omnicanales” ne fait donc qu’énoncer une évidence. Reste à donner un mode d’emploi qui fait souvent défaut.
Car le premier facteur d’échec de ces stratégies réside dans l’absence d’état des lieux sur la nature même du parcours client. Nous cherchons ainsi à aller au-delà des incantations et proposer des pistes de modélisation du parcours client, étape préalable et indispensable pour améliorer l’expérience de vos clients dans ce fameux contexte multi canal…
Essayons à travers un exemple simple de modéliser le parcours client d’une entreprise. C’est un exercice que nous avons réalisé avec Florian, en l’adaptant au cas concret de BonneGueule, initialement un site indépendant de conseils de mode masculine, qui s’est également lancé en 2014 dans la fabrication et la distribution de vêtements via des boutiques et un site e-commerce.
Des possibilités exponentielles
Rappelons qu’un parcours client retrace l’ensemble des interactions d’un client avec une entreprise avant, pendant et après son achat. Définir un parcours client est un exercice difficile car, à chaque étape, il y a une multitude de scénarii potentiels. Par exemple, un client de BonneGueule peut aussi bien :
Quel que soit le scénario (et ils sont extrêmement nombreux), BonneGueule doit fournir une expérience client “sans couture” avant, pendant et après l’achat. Et c’est plus facile à dire qu’à faire…
A présent, entrons dans le vif du sujet pour modéliser le parcours client de BonneGueule.
Dès la recherche d’informations, il faut littéralement se mettre à nu, s’examiner pour faire son autocritique. Combien de fois avez-vous vécu une mauvaise expérience au contact d’une marque en vous disant que celle-ci n’allait pas dans le sens du client ? Appliquez-vous à vous même votre exigence quand vous êtes consommateur.
Commencez par rassembler toutes les données dont vous disposez pour :
Voici le genre de questions qu’il est important de se poser :
Astuce :
Pour y réussir, n'hésitez pas à multiplier les contacts avec vos clients ! Il ne faut pas hésiter à les interroger, à capter pro-activement leurs retours pour entrer en contact avec eux (en mettant en place un outil de feedback client).
Vous pouvez également solliciter des personnes en interne qui ne travaillent pas sur ces problématiques : leurs retours, que l’on identifie pas forcément lorsqu’on a le nez dans le guidon, sont souvent précieux et remplis de bon sens.
Cette première étape est clé. Nous vous suggérons de vous livrer à cet exercice, que vous soyez client, commerçant, ou les deux ! Vous mesurerez à quel point le sujet est complexe.
Une fois ces données recueillies, il est possible de passer à la seconde étape : la scénarisation.
A partir de toutes les données que vous avez listées, il est temps de modéliser la journée type d’un client pour construire un parcours idéal selon vous.
Voici comment procéder :
1. Lister les différentes étapes du parcours client
L’idée est ici de cartographier toutes les étapes rencontrées potentiellement par vos clients (de la recherche d’information jusqu’à la relation post-achat et le fait d’être fidèle ou non).
2. Définir les objectifs des clients
A chaque étape du parcours, il est important de dresser les objectifs de vos clients. Ils doivent être énoncés le plus clairement possible : si vos clients n’atteignent pas leurs objectifs, impossible d’approcher les vôtres…
3. Lister les attentes des clients
Quelles sont les attentes potentielles des clients par rapport à votre service ou produit ?
Cet exercice est plus difficile qu’il n’y paraît car ce n’est pas tant la qualité de votre service ou produit qui importe mais la réalisation ou non des attentes de vos clients. Or celles-ci sont influencées par votre communication, le design de votre site internet, les photos de vos produits, vos vendeurs, l’agencement des produits…mais aussi par les offres de vos concurrents et du bouche-à-oreille dont bénéficie votre marque.
4. Décrire le « process » vécu par les clients
Il s’agit ici de décrire mot pour mot ce que fait le client à chacune de ses étapes. Essayez d’employer le plus possible le vocabulaire employé par vos clients, notamment en réutilisant les mots laissés par vos clients en vous contactant ou en répondant à vos enquêtes. Il faut que cela sonne vrai !
5. Lister les KPIs
Il est important d’avoir quelques indicateurs de performance : pas pour le plaisir de faire des reporting et de contrôler l’activité de vos salariés de façon coercitive, mais pour pouvoir rapidement déceler des situations critiques et tester rapidement l’efficacité d’une nouvelle mesure sur le comportement et la satisfaction de vos clients. Ces indicateurs pour être utiles doivent être vivants et donc si possible toujours accessible dans un tableau de bord avec des statistiques qui s’actualisent en temps réel.
Voici ce que cela donne pour BonneGueule (vous pouvez télécharger le tableau en cliquant ici)
Astuce : ne cherchez pas à tout faire d’un coup. Identifiez vos priorités, c’est à dire les moments clients où vous devrez être irréprochable (ex : un service client réactif, une expédition rapide pour un e-commerçant). Ces services fonctionnels deviendront les fondations de votre parcours client sur lesquelles vous pourrez greffer d’autres services complémentaires à valeur ajoutée (et continuer à consolider vos piliers).
Arrivés à cette étape nous sommes fiers avec Florian car nous pensons avoir une photographie assez complète du parcours client. Pourtant, nous sommes encore loin du compte ! Si nous nous arrêtions là, nous aurions réalisé exactement ce qu’il ne faut pas faire : regrouper les clients en un seul bloc, sans prendre en compte leurs particularités. Passer de cette photographie globale à l’adaptation du parcours en fonction des préférences des clients, voilà la prochaine étape nécessaire, encore plus complexe.
Vos clients n’ont pas tous la même prédisposition à acheter : leurs niveaux de connaissance, leurs besoins d’accompagnement, leurs canaux d’achat diffèrent et ils ne sont pas non plus réceptifs aux mêmes produits.
Si vous voulez répondre à leurs besoins, vous devez segmenter votre base client.
Il ne s’agit pas de mettre vos clients dans des cases, mais uniquement d’identifier quelques types de clients et de comportements d’achat afin de mieux appréhender leurs parcours d’achat et in fine mieux les servir.
Pour aller plus loin : Life time value
Dans ce travail de segmentation, vous pouvez essayer de calculer la Life Time Value de vos clients, autrement dit la somme des profits nets susceptibles d’être générés par un client au cours de sa vie en prenant donc en compte vos dépenses marketing engagées (le coût d’acquisition client).
Il y a plusieurs modèles statistiques pour la calculer en se basant notamment sur l’historique d’achat (date du dernier achat, fréquence, montant dépensé), que vous trouverez en libre accès sur Internet.
Ce qui nous intéresse ici, c’est qu’avec cet exercice vous allez vite vous rendre compte que tous vos clients ne sont pas d’une rentabilité équivalente ; certains, compte tenu de leurs coûts d’acquisition, vous font peut-être même perdre de l’argent.
Alors, faut-il déployer autant d’efforts pour satisfaire et fidéliser un client qui n’est pas ou peu rentable ? Quel est impact sur votre image de marque si vous décidez de délaisser une partie de vos clients ou d’avoir une politique de Service Client à plusieurs vitesses ?
Sujet de débat passionnant avec BonneGueule. Eux font le choix délibéré de servir tous leurs clients de la même façon car cela correspond à leur culture d’entreprise et leur engagement auprès de leur communauté.
Il n’y a pas de bonne réponse d’ailleurs :
-si vous prenez rdv dans un Apple Store, vous serez logés à la même enseigne que vous soyez un étudiant fauché sans track record ou l’heureux possesseur de 5 produits à la pomme.
- en revanche une entreprise comme Amazon va avoir une approche beaucoup plus stratégique de son service client en adaptant sa politique et ses gestes commerciaux en fonction de la valeur des clients.
Et Amazon et Apple font partie des entreprises les plus reconnues dans le monde en terme d’expérience client.
Quant à BonneGueule, ils ne souhaitent pas de segmentation trop rigide, fondée uniquement sur des critères démographiques ou sur l’historique d’achat. Fidèle à sa logique de communauté rassemblant experts de la mode masculine et « débutants » à la recherche de bons plans, la marque cherche à s’insérer dans le quotidien de ses clients, mieux les comprendre et leur offrir le service adapté à leur niveau de « maturité » vis-à-vis de la mode masculine et du site.
C’est pourquoi la marque décide de catégoriser ses clients selon une approche hybride qui mélange rapport à la mode et connaissance de la marque. Il y a ainsi Les Nouveaux, les Habitués et enfin les Puristes.
Diego n’est pas un parfait inconnu car il connaît le site et a déjà parcouru les articles du blog de BonneGueule mais il n'a jamais passé le cap de l’achat jusqu’à présent (il a seulement consulté les livres de conseils).
Lorsqu’il achète en ligne, il a besoin d’être rassuré avant, pendant et après son achat (concernant le choix de la taille, les modes de paiement et la politique de retours du produit). Il contacte souvent le Service Client par mail ou utilise le chat en ligne.
Il peut également lui arriver de se rendre en boutique pour lever les derniers doutes et toucher les matières. Il est très friand de conseils et fait très attention aux détails.
Si sa première expérience se passe bien, Diego n’hésitera pas à renouveler ses commandes sur l’E-Shop en quelques clics (car il connaît alors sa taille) et à devenir un véritable ambassadeur de Bonne Gueule vis-à-vis de ses amis.
Max connaît très bien le blog et a déjà fait plusieurs achats sur l’E-shop ou en boutique. Ce qu’il aime chez BonneGueule : le rapport-qualité prix des produits, la réactivité du Service Client et les conseils sur la mode… Il apprécie les valeurs et la proximité de l’entreprise. Il a de nombreux points de contact via le blog, Facebook ou encore l’e-shop et attend de BonneGueule une réponse très rapide à ses questions. Max est un membre actif de la communauté, il connaît même les prénoms de certains membres de l’équipe BonneGueule et leur parle comme à des amis.
Max commande exclusivement en ligne, et, s’il est parisien, il lui arrive d’utiliser le « click and collect » et d’aller récupérer sa commande dans la boutique BonneGueule.
Eric a un style affirmé et une grande connaissance de la mode masculine. Il consulte différents blogs, dont celui de BonneGueule et lit souvent les dossiers thématiques consacrés à la mode.
Plus qu’une marque, il s’agit avant tout d’un site d’information pour lui.
Il connait l’e-shop et la boutique mais est en recherche de pièces plus originales. Il achète de façon plus ponctuelle, notamment lorsque BonneGueule réalise une collaboration avec une marque (e-shop et boutique).
Faire coexister ces trois profils est-ce qui permet de déclencher le maximum de ventes au sein de cet écosystème : le nouveau a l’impression de frapper à la bonne porte, il est impressionné par les posts de blogs et rassuré par la validation des experts; au milieu les habitués montrent qu’il y a la place pour des consommateurs mainstream décomplexés face à la mode.
Astuce : pour réaliser cet exercice, vous pouvez mêler à la fois les données quantitatives (historique d’achat), démographiques de vos clients (âge, CSP, ville) et qualitatives (les témoignages qu’ils peuvent vous faire).
Voici donc par exemple le parcours client adapté au profil de Diego (à télécharger ici) :
Examinons maintenant les parcours client de DIEGO, MAX et ERIC, les 3 clients types de BonneGueule à l’aune des différents canaux, services et outils marketing qu’ils utilisent (à télécharger ici)
Appliquons maintenant les préférences de ces trois clients types (à télécharger ici):
Ici Diego, Max et Eric vont naturellement choisir les points de contact qu’ils préfèrent et porter attention aux éléments les plus importants pour eux. On le voit bien, les scénarios potentiels sont multiples, et si cela vous semble assez incompréhensible c’est normal ! L'essentiel est que vos clients eux s'y retrouvent et avouons que l'organisation des entreprises n'est pas toujours pensée pour eux.
Pour les entreprises, la tâche est compliquée. Elles doivent trouver un moyen pour assurer la même qualité de service à des clients qui empruntent de multiples chemins en fonction de leurs préférences. Il y a des problèmes d'optimisation sûrement plus faciles à résoudre. Pour ne rien arranger, rappelons que les entreprises sont généralement organisées en départements. Et il n’est pas évident de les faire travailler ensemble pour améliorer l’expérience client
Le genre d’organisation qui vous donne la migraine rien qu’à sa lecture. Cette organisation en silos ne peut plus être la réponse aux défis apportés par l’expérience client. Comment en effet rendre les parcours des clients fluides et sans heurts lorsqu’ils dépendent d’autant de départements différents qui ne travaillent pas toujours ensemble ?
Bonne Gueule donc choisi de décloisonner les fonctions pour rendre son organisation plus agile et répondre pleinement aux attentes des clients du début à la fin (à télécharger ici) :
Ici l’organisation a été simplifiée, si les fonctions restent les mêmes, les équipes communiquent entre elles et tous les départements ont des retours immédiats et en temps réel de leur impact sur la satisfaction client. Chaque membre de l’équipe BonneGueule a le même niveau d'information et la même latitude pour répondre aux attentes des clients.
Le pôle Relation Client n’est plus un SAV mais véritablement une équipe qui capte, collecte et traite tous les points de contacts avec les clients avant et après la vente quels que soient les canaux.
Le digital peut ainsi devenir un allié : utiliser des outils de communications interne en temps réel comme Slack ou Drive fait gagner un temps précieux. Par exemple, lorsqu’un client contacte BonneGueule via le service client pour échanger un article en boutique, le personnel en magasin est instantanément averti. La trace écrite permet d’offrir une qualité de service homogène quel que soit le canal choisi par le client.
C'est maintenant qu'il va falloir mettre en oeuvre cette nouvelle organisation. Nous vous donnerons quelques pistes dans le dernier épisode.
Vous pensiez en avoir fini après avoir segmenté et revu votre organisation. Erreur. Tout commence maintenant. C’est sans doute, l’étape sur laquelle tout repose. Un vieil adage résume bien la situation : “Un collaborateur heureux rendra vos clients heureux”.
Au sein de votre équipe, placez-vous comme un capitaine et non comme un chef. Donnez l’exemple au quotidien, soyez exigeant avec vous-même et vous pourrez l’être avec vos collaborateurs. C’est donnant l’exemple que vous placerez votre exigence en termes de qualité de service et de la performance (ex : la satisfaction client).
Un capitaine coache son équipe, s’adapte à chacun de ses collaborateurs, les écoute et les fait monter en compétences. Vous êtes le garant des valeurs de la marque tant auprès de vos équipes que de vos clients.
La générosité est un moteur : plus elle est forte, plus votre équipe sera engagée / impliquée.
Et les performances suivront !
Il ne s’agit pas pour nous de vous suggérer un modèle d’organisation d’entreprise. Ce n’est pas notre métier, ni l’objet de cet article.
Vous n’avez d’ailleurs pas nécessairement à remettre totalement en cause votre organisation et vos méthodes de management pour réussir à améliorer l’expérience client à partir du moment où tous vos départements sont connectés avec les consommateurs.
Peut-être que la maitrise de votre parcours client n’est pas parfaite. Celle de BonneGueule ne l’est pas, mais est-ce vraiment la finalité ? L’important, c’est de viser l’excellence, d’être une bienveillance sans faille avec chaque client, que le client s’en souvienne.
Chez BonneGueule, le parcours client n’est pas là pour vendre un produit mais un moment agréable et convivial passé avec la marque, tout en apportant des solutions concrètes. Soyez généreux avec vos clients et vos clients vont le rendront. Isodore Sharp – Fondateur des hôtels Four Seasons dit à juste titre : “les clients heureux et détendus récompensent votre marque par leurs commandes et leur loyauté”.
Et dernière chose : ne jamais sous-estimer les moments d'exaltation que l'on donne à nos clients. C'est ce qui contribue à créer un vrai attachement, à les fidéliser, et à les convertir en ambassadeur de votre marque. “Le cerveau se rappelle les composants émotionnels d'une expérience mieux que tout autre élément” - John Medina (Biologiste moléculaire et auteur du livre Les 12 lois du cerveau).