La semaine dernière, je vous avais annoncé dans ce blog notre partenariat entre Diduenjoy et la plateforme LMS MySkillCamp.

Jonathan est aujourd'hui Digital Learning Consultant chez MySkillCamp et auteur d'un livre de référence sur l'évaluation de la formation (L'évaluation de la formation - Pilotez et maximisez l'efficacité de vos formations - Editions Dunod).

J'en profité de notre nouvelle collaboration pour interviewer Jonathan et lui poser des questions sur les bonnes pratiques et l'avenir de l'évaluation de la formation professionnelle en France (notamment avec l'arrivée de la nouvelle loi).

 

1. J'ai parfois l'impression que l’évaluation de la formation est devenu un enjeu pour les entreprises seulement depuis quelques années. Si le contexte réglementaire n’avait pas changé (décret 2015 sur la qualité des formations entré en vigueur en 2017), penses-tu que les responsables RH s’intéresseraient à l’évaluation de la formation ?

"Je pense que oui. S’il y a quelques années, l’évaluation était considérée comme un “plus” sympathique, la pratique tend désormais à se démocratiser. Au-delà des changements légaux, l’une des causes majeures tient au contexte économique : il est demandé à toutes les fonctions de “faire des efforts”, de justifier et d’optimiser les budgets… Les responsables formation doivent donc apporter des preuves et s’équiper pour prendre la “température”. Or comment le faire sans disposer d’un vrai système d’évaluation et d’indicateurs concrets ? Il y a donc ce facteur économique incontournable et, bien sûr, les évolutions légales..."

 

2. À ce propos, à quoi doit-on s’attendre avec la nouvelle loi sur la formation professionnelle en 2019 ?

"Vaste sujet ! Si l’on se focalise sur le sujet qui nous intéresse ici, à savoir l’évaluation de la formation, la réforme accroît considérablement son importance. En lien avec le point précédent, il y a déjà la fin des co-financements qui oblige à repenser complètement la façon de gérer son budget de formation. Économiquement parlant, c’est un nouveau monde qui s’offre aux responsables formation."

 

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"Également, la réforme permet à la formation de s’éloigner encore un peu plus du seul “stage” de formation, de renforcer le poids du digital dans la formation, d'introduire la notion de formation en situation de travail (FEST)... Cette diversité des modalités d’apprentissage, qui amène à la conception de parcours de formation hybrides, pose donc d’autant plus la question de l’évaluation. En effet, le défi est de s’assurer que les choix pédagogiques faits permettent d’accroître l’efficacité des formations (atteinte des objectifs fixés) tout comme leur efficience (au meilleur coût)."

 

3. Quels conseils donnerais-tu à une entreprise qui souhaite mettre en place un système d’évaluation de la formation ? Quels sont les pièges à absolument éviter ?

"Il y a beaucoup de choses à dire, mais j’ai quand même trois conseils prioritaires :

  • Lancez-vous ! Halte à la procrastination. Nous avons toujours les meilleures excuses du monde pour remettre à demain ce que l’on peut commencer aujourd’hui. Soyez donc agiles : votre système peut ne pas être parfait au début, mais au moins il sera confronté à la réalité du terrain et vous apprendrez énormément au contact des apprenants, des formateurs, des managers… Ne vous enfermez plus dans une tour d’ivoire et évitez de multiplier les comités de travail pendant des mois pour, enfin, administrer des questionnaires en théorie “parfaits”, mais qui ne vous apporteront peut-être pas les réponses attendues. L’important est que cela soit fait, pas parfait !
  • Commencez simple ! Il est important de distinguer les formations stratégiques, à forts enjeux, pour lesquelles il est pertinent de concevoir un dispositif d’évaluation spécifique (pouvant aller jusqu’au retour sur les attentes, le fameux ROE), de celles qui peuvent se contenter d’un dispositif plus simple, industrialisable, et qui générera des données utiles pour le reporting. Les deux chantiers peuvent être menés en parallèle, mais il convient d’éviter de faire du spécifique pour toutes les formations.
  • Digitalisez ! Je vais être direct : si votre système d’évaluation ne repose que sur des questionnaires “papier”, il sera très compliqué d’avoir des réponses sincères, d’avoir des taux de retour élevés “à froid”, d’impliquer les différents acteurs en leur communiquant les résultats qui les intéressent… et cela sera très chronophage. Soyons cohérents : alors que l’on travaille activement à la digitalisation des formations, pourquoi l’évaluation resterait en marge ?"

 

4. Comment sait-on si son système d’évaluation de la formation est performant ?

"Tout simplement s’il nous permet d’atteindre les objectifs qui lui ont été assignés. Cela pose donc la question du “pourquoi” de l’évaluation. Est-ce pour mieux sélectionner les prestataires de formation ? Pour impliquer davantage les managers dans le suivi de leurs collaborateurs ? Pour justifier le budget de formation auprès des commanditaires ? Les raisons sont nombreuses et il est donc important de s’interroger à ce sujet, sans quoi, le système d’évaluation mis en œuvre pourrait apporter des réponses à des questions que l’on ne se pose pas ! Il serait donc non pertinent… et inutile."

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"En plus de cela, il va de soi que le système mis en place doit être tout sauf une “usine à gaz”. Il doit donc être efficient, au sens où il permettra de répondre aux objectifs évoqués précédemment tout en consommant le moins de ressources possibles, à commencer par le temps. Il n’est pas logique, comme je l’ai déjà vu, d’avoir des chargés de formation qui consacrent leur temps à administrer des questionnaires “papier” et à compiler les données dans un tableur, au lieu d’utiliser les résultats des évaluations pour agir. Voilà une bien meilleure utilisation de leur temps ! "

 

5. De nombreux SIRH/LMS ont développé leurs propres modules d’évaluation de la formation, est-ce une bonne idée de les utiliser ? 

"À ma connaissance, rares sont les SIRH et LMS à disposer de fonctionnalités d’évaluation des formations très développées. Les LMS sont généralement bien dotés en ce qui concerne la création de quiz d’évaluation des connaissances, mais ils sont plus limités pour ce qui est d’avoir, par exemple, des dispositifs souples d’évaluation intégrant l’apprenant et le manager. Et ça n’est pas bien grave, car là n’est pas forcément leur valeur ajoutée. Il me semble plus intéressant que ces plateformes s’ouvrent davantage sur l’écosystème d’applications et permettent, ainsi, de se connecter à des solutions externes dédiées à l’évaluation. On associe ainsi le meilleur des deux mondes, sans exiger de son SIRH ou de son LMS qu’il soit capable de tout faire."

 

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6. Une anecdote autour de l’évaluation de la formation ?

"Quand j’ai commencé à travailler sur ce sujet, j’avais tendance à dire qu’il fallait limiter la taille des questionnaires à une vingtaine de questions. Puis je suis passé à 15, puis à 10… Bref, j’ai pris conscience au fur et à mesure de mes expériences que plus le questionnaire était court et ciblé, meilleure était la qualité des réponses. Cela implique, encore une fois, de connaître le “pourquoi” de l’évaluation.

 

Je me souviens par exemple du questionnaire d’évaluation “à chaud” de l’un de mes clients qui comptait… 35 questions ! Rien que pour la partie “restauration”, il y avait des questions sur l’entrée, le plat, le dessert… Quelle image donne-t-on de la formation avec un tel questionnaire ? D’un événement où l’important est de bien manger ? En revanche, les questions sur la pertinence du contenu, sur la transférabilité des acquis, etc., étaient absentes…

 

Concevoir un système d’évaluation des formations est donc aussi une occasion de re-questionner ses priorités en matière de formation, de se fixer des objectifs cohérents et d’adapter ses outils d’évaluation en conséquence."


Merci Jonathan !

Catégories : Bonnes pratiques, Évaluation de la formation

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